Pour éviter les coupures d’électricité, nous sommes encouragés à nous « effacer », c’est-à-dire à ne pas consommer aux heures de pointe. Mais pour garantir une réponse massive et durable des Français, il serait utile de rémunérer cette bonne pratique. Le gestionnaire de réseau britannique, National Grid, vient d’ailleurs de proposer à tous – industriels, entreprises, particuliers – 3,5 € par kWh “effacé” lors des alertes.
Par Michel Derdevet, président de Confrontations Europe, Patrice Geoffron, professeur à l’université Paris-Dauphine, David Martineau, directeur général adjoint et expert Energie de Sia Partners et Lætitia Puyfaucher, fondatrice de gisements communs
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La situation est désormais connue. Notre sécurité d’approvisionnement électrique est dégradée, depuis quelques années déjà, et, pour encore 5 à 10 ans peut-être. Le dernier rapport de l’ENTSO-E, l’association des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité européens, en témoigne. La France risque, cet hiver, 21 heures de « délestage » alors que les autres pays – à l’exception de l’Irlande – présentent un risque nul ou inférieur à une heure.
RTE, le gestionnaire français, promeut ainsi EcoWatt, dispositif citoyen qui signale aux consommateurs les jours les plus critiques. En cas d’EcoWatt rouge, « (…) si aucun effort n’était fait, RTE pourrait être obligé de délester ».
L’exemple du gestionnaire du réseau anglais
Confronté au même risque, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité britannique a annoncé, il y a un mois, qu’il rémunérerait les consommateurs – industriels comme particuliers – 3,5 € par kWh effacé lors des “alertes”. Les ménages britanniques peuvent espérer ainsi une réduction de leur facture de près de 120 euros, a-t-il précisé. Et les professionnels et PME, un multiple de ce nombre.
La transposition d’un tel dispositif, en France, est possible. Elle consoliderait la réponse « citoyenne » des Français, limitant ainsi le risque de coupures pour cet hiver et les suivants. Et, de surcroît, en rémunérant l’effacement diffus, elle contribuerait à faire baisser le prix de l’électricité dans notre pays. En effet, en France, les prix de l’électricité sur les marchés à terme sont alourdis de fortes primes de risque, liées à la pénurie de moyens de production électrique. Pour le premier trimestre 2023, les prix demeurent ainsi à un niveau très haut, presque deux fois supérieur au coût de production anticipé des centrales thermiques (qui fixe le prix de la majorité des heures pendant cette période). Donner une valeur aux efforts d’effacement permettrait de diminuer cette prime de risque, très pénalisante pour notre collectivité.
Possible grâce à Linky et au “revenue cap”
La France a déployé le réseau d’électricité le plus “intelligent” au monde, d’après le Smart Grid Index 2021. Utilisons-le. Si un consommateur en fait la demande, Linky peut, dès à présent, transmettre quotidiennement la consommation de son foyer avec le détail par tranche de 30 minutes. En comparant ces données à son historique, il serait possible d’attester de son effort réel en période d’EcoWatt rouge. Et donc, de le rémunérer.
Partant de ces données, les revenus issus de la taxation des énergéticiens pourraient ici être mis intelligemment à contribution ; et être restitués de manière plus juste et individualisée.
Enfin, pour les hivers prochains, en misant sur les possibilités offertes par Linky et la domotique, nous pourrions gagner aussi en efficacité avec l’envoi de signaux d’effacement mieux adaptés aux situations locales et sur un temps court. La consommation d’électricité pourrait être ainsi modulée pendant dix ou vingt minutes et non pas au jour le jour, comme c’est le cas aujourd’hui avec les offres de type Tempo ou le dispositif EcoWatt.